Depuis 2003, la Cour de cassation opère une distinction entre la démission et la prise d’acte de rupture du contrat de travail. Cette modalité de rupture du contrat de travail est une création purement prétorienne, dont le régime a été façonné par la Cour de cassation au fil de ses arrêts. La prise d’acte de rupture, également qualifiée par certains auteurs « auto licenciement », résulte de la décision prise par le salarié de mettre un terme à son contrat de travail, en raison d’un ou plusieurs manquements qu’il impute à son employeur et qui, en raison de leur gravité suffisante, rendent impossible la poursuite du contrat. La prise d’acte prend la forme d’un écrit, en général une lettre adressée par le salarié à son employeur (en recommandé avec accusé de réception ou contre récépissé : c’est bien évidemment préférable pour des raisons de preuve). Le salarié peut choisir de quitter immédiatement son emploi (la prise d’acte est alors le pendant de la faute grave pour l’employeur) ou de respecter un délai de préavis. À l’issue de son dernier jour de travail, il doit recevoir son solde de tout compte, son certificat travail et son attestation Pôle Emploi portant la mention « prise d’acte ». Tant qu’une décision de justice n’aura pas requalifié la prise d’acte en licenciement (abusif, sans cause réelle et sérieuse ou nul), le salarié ne pourra prétendre au versement de son allocation de retour à l’emploi (ARE), à moins de se trouver dans l’une des hypothèses de «démission légitime » prévues par les accords UNEDIC. Pour cette raison, et aussi parce qu’il estime que la rupture dont il a pris l’initiative est imputable à son employeur, le salarié saisira le conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de sa prise d’acte en licenciement abusif ou en licenciement sans cause et sérieuse voire encore licenciement nul selon les circonstances. Théoriquement, le conseil de prud’hommes est censé examiner l’affaire, qui est directement portée devant le bureau de jugement sans le préalable de la conciliation, dans les 6 mois de sa saisine. Dans la réalité, ce délai, dont le non-respect n’est pas sanctionné, est plus long. Dans le cadre de la procédure, le salarié doit rapporter la preuve des manquements imputés à l’employeur mais également celle de leur gravité suffisante. C’est pourquoi, en présence d’un doute sur la réalité ou la gravité des faits, celui-ci profite à l’employeur. Dans ce cas, la prise d’acte est qualifié « démission », avec toutes les conséquences qui en découlent et le salarié est débouté de ses demandes, à tout le moins de celles qui sont la conséquence d’un licenciement (injustifié ou nul). L’hypothèse d’un débouter n’est pas exempte de risque pour le salarié qui, outre le rejet de ses demandes, peut être condamné à verser à l’employeur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis. C’est précisément ce qu’a rappelé la cour d’appel de Paris dans un arrêt récent.[1] Dans cette affaire, le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail puis saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes indemnitaires. La Cour, comme le conseil de prud’hommes, a estimé que la preuve des manquements de l’employeur n’était pas rapportée et a débouté le salarié de ses demandes après avoir qualifié sa prise acte de démission. Or, le salarié avait quitté immédiatement son emploi à la suite de sa prise d’acte, sans respecter un quelconque délai de préavis. Il a donc été condamné à verser à son employeur le montant de l’indemnité compensatrice du même nom, ce que prévoyait expressément la convention collective applicable.
La prise d’acte de rupture du contrat de travail est donc à manipuler avec la plus extrême précaution.